Stubai

Raid de 6 jours dans le Tirol autrichien

Itinéraires au départ de 3 refuges au coeur du massif du Stubai, au relief très alpin, véritable pardis pour le ski de randonnée.

Dresdner Hütte (2302 m)

Je suis assis dans ma voiture dans mon garage prêt à tourner la clé quand je reçois un appel de Toni, mon guide pour la semaine à venir. Il est en panne de voiture. Je dois récupérer Antoinette à la gare d’Innsbruck à sa place. Une chance que je me sois laissé une bonne marge pour le trajet jusqu’en Autriche. Sur la route, Toni me rappelle me disant qu’il a trouvé une voiture et que le lieu de rendez-vous est directement au refuge Dresdner Hütte. Je récupère Antoinette directement à son hôtel et on file vers Mutterbergalm. Je m’arrête dans un magasin sur le bord de la route pour vérifier sur une carte le lieu de départ des télécabines qui mène au refuge. Je ne me suis pas trompé ; j’ai bien fait de regarder grossièrement l’itinéraire du raid avant de partir. Nous montons finalement 2 tronçons et faisons une première descente sur les pistes jusqu’au refuge. Mes premiers virages sont difficiles avec mon gros sac sur le dos. Nous posons les sacs au refuge et je repars seul en peaux de phoque pour une heure et demie et 492 m de dénivelé. J’observe curieusement en contre bas le défié des dameuses qui commencent leur long travail nocturne en prévision des skieurs du lendemain. La descente est somptueuse. Le ciel s’est enfin dégagé un peu et j’ai la piste pour moi, les remontées mécaniques étant maintenant fermées.

Je retrouve Antoinette et Toni au refuge ainsi que Jacqueline, Sylvie et Jean-Louis qui ont déjà skié toute la journée. Toni a réussi in extremis à prendre la dernière benne. Je sens presque immédiatement la bonne ambiance dans le groupe qui se développera d’ailleurs tout au long du raid. Nous montons dans notre chambre pour la distribution des piques niques pour la semaine. Je récupère aussi pelle, sonde et ARVA et une belle casquette Odyssée Montagne ! Toni prépare un panier que nous retrouverons le dernier jour ce qui nous permet de nous débarrasser de quelques affaires. Fuyant tout portage inutile il se retrouve vite rempli à ras bord !

Amberger Hütte (2135 m)

Nous nous levons à 6h00 et partons juste avant 7h30 en remontant les pistes de ski. Au moment de les quitter nous sommes tous contents. Nous pouvons enfin plonger dans l’inconnu. Le vent souffle de plus en plus alors que nous gravissons la pente du col, le Daunjoch. En haut, Antoinette et moi devons attendre et des rafales de 100km/h m’obligent à la lutte pour rester debout. Nous nous déplaçons tous les bâtons bien écartés pour plus de stabilité. Je regarde le sommet du Hinterer Daunkopf sur notre droite que nous ne pouvons bien sûr pas envisager dans ces conditions. Je replis rapidement mes peaux, l’une après l’autre, en veillant bien à ce que le vent de me les arrache pas des mains. Toni pose une main courante car la pente derrière le col est raide et on n’y voit pas à deux mètres. Nous descendons en ski le long de la corde jusqu’à un rognon rocheux. Toni fixe un relais et je me vache à la corde. On ré-exécute la manip une seconde fois avant de pouvoir skier un peu. Nous traversons le glacier à la cote 3000 encordés les uns derrières les autres pour éviter une partie crevassée.

Arrivé rive gauche je récupère la corde et nous voilà parti du bout de nos spatules descendant la vallée jusqu’à Amberger Hütte. Le refuge est très joli et les autrichiens accueillants. Nous sommes là pour 3 jours donc je m’installe et me paye le luxe d’une douche et même de faire un peu de lessive !

Kuhscheibe (3189 m)

Aujourd’hui, il fait grand beau. Nous remontons le plateau vers le sud puis bifurquons tranquillement sur la droite pour attaquer la première pente suivant les traces du groupe des aspirants guide devant. L’itinéraire est superbe, nous débouchons bientôt dans un large cirque glaciaire puis remontons une nouvelle pente un peu plus raide sur notre gauche. On aperçoit alors l’arête finale du Kuhscheibe. Nous déposons skis et sacs et ne gardons que le piolet et un bâton pour gravir les 200 derniers mètres de l’arête mentant au sommet. Dommage nous arrivons ½ heure trop tard, la vue s’est bouchée. La descente, dans une neige légère, est un pur régale.

Hinterer Daunkopf (3225 m)

Le temps est couvert. Mes fixations avant ont gelé et je ne peux pas les serrer. Nous remontons le plateau puis le petit vallon descendu l’avant-veille jusqu’à la cote 2500 m. Là, nous nous dirigeons vers une belle pente à l’est pour attaquer le Hinterer Daunkopf par son versant sud. L’itinéraire le long de cette vallée secrète est encore une fois superbe. En haut, c’est vraiment jour blanc. Toni n’y voyant rien préfère contourner un amas rocheux et déchausser pour remonter skis et bâtons à la main un petit passage raide dans de la neige fraîche. J’enlève mes skis et prends appui dans la neige. Je m’enfonce alors jusqu’à la taille. OK, je comprends pourquoi Toni me fait signe d’utiliser les skis dans la main pour prendre appui dans la neige ! Derrière, celles qui ont de petites mains ont du mal et brassent la neige ! Nous errons encore un moment suivant le GPS et profitant des moindres éclaircies pour essayer de distinguer un itinéraire sûr. Nous finissons par déposer les skis à 100 m de la croix. En haut, il ne fait pas froid et c’est la grande séance photos !

La neige est fabuleuse mais, sur le haut, Toni préfère suivre l’itinéraire de montée sur que nous savons sûr et à l’abri des avalanches. 100 mètres plus bas, je peux me lâcher un peu et profite pleinement de la neige. De retour sur le plateau, la neige qui est tombée toute la journée devient humide et le vent se lève. C’est la tempête ! On rentre le plus vite possible en pas du patineur ou en poussant sur les bâtons.

Epaule Sud du Schrankarkogel (3300 m) – Franz-Senn-Hütte (2147 m)

On se lève à 5h30. Il fait beau, il n’y a pas de vent pourtant l’air est glacial. Nous remontons une dernière fois le plateau mais bifurquons rapidement à l’est dans une pente qui nous mène vers un superbe glacier, le Schwarzenbergferner. La vue à l’ouest et sur l’itinéraire de l’avant-veille vers le Kuhscheibe est magnifique. Il y a du monde mais tous vont au Schrankogl. Nous nous dirigeons vers l’épaule sud du Schrankarkogel (3300 m). Certains déposent les sacs au pied de la dernière pente. Bientôt des groupes nous suivent et, malgré nos avertissements, traversent dangereusement en dessous de nous. Arrivé en haut, Toni nous creuse une fenêtre dans la corniche pour que nous puissions voir le panorama de l’autre côté, à l’ouest. Ca vaut le coup d’œil !

Nous redescendons au niveau des sacs et mangeons un morceau au soleil avant d’attaquer le col, le Wildgratscharte (3168 m). Encordés, crampons aux pieds, piolet à la main, skis et bâtons sur le sac nous montons péniblement les 50 m dans de la neige mêlée à des cailloux. De l’autre côté, Toni nous installe un relai et nous mouline à skis. Je me libère en bas et ski jusqu’à un endroit au soleil où j’attends un moment le reste du groupe. Puis nous descendons la longue vallée dans de la neige toujours aussi agréable à skier jusqu’à la Franz-Senn-Hütte idéalement placée au bord d’un ruisseau. Je me prends quand même une belle gamelle, mon ski accrochant un caillou caché par la neige.

Arête nord du Mittlere Kraulspitz (3120 m)

Cette nuit, j’ai eu un peu froid et je n’ai pas aussi bien dormi que les autres jours ce qui ne m’empêche pas d’être en forme. Nous montons jusqu’à l’arête nord du Mittlere Kraulspitz (3120 m) sous le soleil. Là haut, le panorama à 360° est majestueux et je vois bien l’itinéraire de la veille avec le col Wildgratscharte que nous avons franchi. Nous redescendons à la Franz-Senn-Hütte et cassons la croûte sur les tables dehors après avoir récupéré toutes nos affaires à l’intérieur. Nous filons ensuite dans la vallée en direction de Seduck où un taxi nous attend. Sylvie nous fait une grosse frayeur en tombant dans un ravin. Heureusement, il y a plus de peur que de mal. Nous devons déchausser les skis sur environ 1 km car, avec l’altitude qui baisse, la neige commence à manquer. De retour à Mutterbergalm, nous faisons une dernière photo avec nos casquettes Odyssée Montagne et je prends la route pour l’Alsace.

En m’endormant dans mon lit, mon levé de ce matin dans le dortoir bondé du refuge semble à la fois proche et déjà loin. J’ai encore des montagnes plein la tête. Ce raid a été une nouvelle semaine de ski randonnée magnifique avec un groupe génial et dans un massif merveilleux.