Raid en Bernina
Un superbe raid en Bernina (Suisse – Saint Moritz) de 6 jours, un groupe génial, une nuit en refuge non gardé et, en point d’orgue, la traversée du Piz Palu.
Direction la Bernina ! Après mes deux week-ends de stage, me voici vraiment en vacances. Je récupère Valérie à Zurich et nous rejoignons les autres à la gare de Saint Moritz à 11h. Je retrouve, avec joie, Jérôme, qui était déjà avec moi l’année passée au Denali. Ca me rappelle de bons souvenirs ! Il est venu avec Valérie H.. Dominique est venu tout seul du Grand Bornand. Seuls inscrits sur le tour du Grand Paradis, Anne et Didier, se sont aussi décidés pour la Bernina.
Samedi
Dominique dépose sa voiture à l’arrivée de notre raid, Morteratsch, puis nous montons jusqu’au téléphérique de Diavolezza. Traditionnel grand déballage sur le parking, matériels techniques, matériels communs, vivres de course sont étalés sur le parking, répartis puis soigneusement rangés dans nos sacs.
En haut du téléphérique, après le pique-nique, Jérôme partage avec nous son gâteau d’anniversaire sorti de sa grosse boîte en carton. En descente, j’ai du mal à skier avec mon gros sac. Nous traversons le glacier de Morteratsch et mettons les peaux pour rapidement arriver au refuge Boval situé sur la rive gauche à 2495m. Tout de même un peu fatigué, n’ayant dormi qu’une heure la nuit dernière suite à une sortie très sympa au Nordstern, je m’effondre sur mon lit pour une bonne sieste réparatrice. Sur la route Valérie S. m’a fait m’arêter pour acheter, à défaut de melon, de la mangue, de l’ananas et des bougies ! Délire à Jérôme que d’amener des fruits si lourds et encombrants en montagne, elle a voulu lui rendre la pareille pour son anniversaire. Au repas, la gardienne du refuge nous emmène donc les fruits soigneusement disposés sur un plat avec les bougies dessus.
Dimanche
Ski de printemps oblige, le lendemain matin, comme tous les matins suivants, le réveil est donné de bonne heure, à 4h30. La neige est ainsi plus dure et donc beaucoup plus facile et stable, ce qui réduit considérablement les risques d’avalanches. Nous contournons le Piz Boval pour monter au Forcla Misaum. Ca commence fort. La pente finale est assez raide et gavée de neige. Impossible de passer avec le sac. Je mets les crampons et suis Jérôme pour l’aider à faire la trace sans sac. Quand je débouche sur le col, je ne m’attarde pas trop devant la vue magnifique. Je redescends chercher mon sac croisant Valérie S. qui est parvenue à monter avec son sac.
Nous descendons de l’autre côté toujours avec les skis sur le dos et remontons au col Tschierva puis au Piz Tschierva. La neige est vraiment lourde et difficile à skier lorsque nous atteignons le refuge Tschierva, un refuge non gardé qui pimente encore un peu plus ce raid en y ajoutant une vraie ambiance montagne. Je me lave un peu sous un filet d’eau qui tombe du toit et fait chauffer de l’eau dans une énorme casserole posée sur la cuisinière dans laquelle nous avons fait un bon feu avec le stock de bois trouvé dans le refuge. Seuls pendant quelques heures, nous déchantons quelque peu quand nous voyons arriver un autre groupe de 8 alors qu’il n’y a que 8 couchettes. Heureusement, ils parviennent à ouvrir un autre dortoir et nous ne devons partager que la salle commune. Jérôme se masse le mollet qui le fait bien souffrir et nous nous installons sur le mur profitant du calme, du soleil de cette fin d’après midi ainsi que de la superbe vue juste en face de nous. Autour de nous, les coulées partent spontanément manquant même d’emporter nos affaires en train de sécher.
Lundi
A la lueur des frontales, nous descendons le long de la moraine sur un vrai billard jusqu’au lac que nous remontons, tous de front, à discuter. Une probable petite erreur d’appréciation et d’itinéraire nous mène au pied d’une bonne pente un peu en dessous du refuge Coaz. Par mesure de sécurité, nous décidons de mettre les crampons bien que l’opération s’avère délicate dans une telle pente. La neige ne nous porte pas tout à fait et, un pas sur deux, nous nous enfonçons jusqu’au genou quand ce n’est pas jusqu’à la taille. Je trouve vite la solution en adoptant une position peu académique mais très efficace. En appui sur les 2 mains, parfois à 4 pattes, je monte d’abord mon sac, redescends chercher celui d’Anne, puis celui de Didier qui sont encordés derrière Jérôme. Je redescends une 3ème fois pour les aider à se sortir de la neige. Cela nous pompe pas mal d’énergie et nous sommes contents de pouvoir profiter d’un peu de repos au refuge Coaz avant de repartir. Anne et Didier choisissent de garder leurs forces pour le lendemain.
L’ascension jusqu’au Chapütschin (3388 m) s’avère longue sous le soleil de la mi-journée. Heureusement une pause repas au col, nous redonne du peps avant de laisser les skis et les sacs pour finir l’arête à pied. Premier au sommet et dernier à en partir, je profite un maximum de ce sentiment de liberté et de pureté juste devant la Bernina (4049 m) qui règne en maître sur le massif. Nous papotons et prenons des photos pendant une bonne heure avant de redescendre en trouvant encore de la bonne neige à skier.
Mardi
Nous traînons ce matin et il est presque 6h lorsque nous quittons le refuge nos sacs allégés de nos affaires restées au refuge que nous regagnerons ce soir. Je fais le contrôle ARVA et pars sans la frontale. Le temps est un peu plus frais avec moins de soleil et une légère brise. La randonnée de ce matin est tout simplement magique alors que je fais la trace dans ce dédale glaciaire à travers des séracs grandioses. En arrivant sur une énorme crevasse avec un pont à neige, j’attends Jérôme et il décide de sortir la corde. Je passe en tête et m’occupe de faire un corps mort sur mon piolet gardant les skis aux pieds pour éviter de déchausser et mettre le pied dans une crevasse. Hop, un cabestan, Jérôme fait de même et ils passent à tour de rôle sur un autobloquant. Au pied du Glüshaint, nous laissons skis et sacs pour attaquer le beau couloir très esthétique menant à l’arête. Jérôme passe en tête et je choisis d’en faire de même avec l’autre corde. Sur l’arête, je prends Valérie S. et Dominqiue avec moi. Jérôme prend Valérie H., Didier préférant rester au col. Nous allons jusqu’à l’endroit où nous avons vu l’autre groupe faire demi-tour car la suite, bien que faisable aurait pris beaucoup trop de temps. Génial, ça faisait longtemps que je n’avais pas fait une si belle arête.
A la descente, je refais les manips pour passer la crevasse et nous négocions de beaux virages dans une belle neige vierge. Jérôme, Valérie H., Dominique et moi choisissons de faire en plus la bosse à 3405 m. Valérie S. et Didier descendent directement. Je trace la montée puis nous nous écartons naturellement sur le plateau qui suit. Avec Dominique 100 m devant moi, Valérie et Jérôme 100 m derrière, je me sens seul au monde. Le soleil en ligne de mire, les nuages blancs dépassant derrière comme des champignons blancs dans un ciel bleu limpide, je suis transporté dans le moment présent. Je me sens si bien. Plus rien n’existe, j’oublie tout. Mon corps n’est qu’une machine qui porte mon âme dans les nuages au milieu de cette immensité glaciaire. Je ne ressens rien, ni froid, ni chaud, ni faim, ni douleur. C’est facile, je ne fais qu’un avec la montagne qui aujourd’hui, je le sens, veut bien de moi. Et tout d’un coup, j’arrive au sommet. Ce n’est qu’un petit sommet, mais quel bonheur d’être là. Dominique me parle et me tire de mes rêves. Je me force à lui répondre.
Mercredi
Encore une superbe journée. Quelle chance de pouvoir faire ce raid par un temps comme ça et la semaine qui m’arrangeait. Jérôme, qui n’avait jamais fait ce raid, s’enchante de découvrir en même temps que nous et nous dit même que c’est probablement le plus beau raid qu’il ait fait. Pourtant, d’après lui, chez Odyssée Montagne, le raid n’est parti qu’une seule autre fois. Ici, nous sommes bien loin des foules de Chamonix-Zerrmatt !
Une montée régulière nous mène jusqu’à la crête qui marque la frontière entre Suisse et Italie. De là, je propose d’aller à la pointe Dschimels (3477 m). Tout le monde est d’accord. On laisse les sacs et on y va « light ». Une demi-heure plus tard, nous sommes de retour, récupérons nos sacs et poursuivons jusqu’au Piz Sella. Nous basculons en Italie et traversons rapidement tout le plateau en faisant un peu de skating et en poussant sur les bâtons. Nous repeautons juste pour un quart d’heure pour monter au col Marinelli où nous cassons la croûte. Avec cette chaleur, je suis l’exemple de Jérôme et me roule, torse nu dans la neige ! Ca fait un bien fou, je me sens tout propre et frais ! Après-midi paisible, au soleil, en terrasse, à boire des verres, discuter et rigoler ! On peut dire que Dominique aura mis l’ambiance avec son répertoire incroyable de blagues, toujours de circonstance !
Jeudi
Ce matin, je soulève mon sac. Tiens, ai-je oublié quelque chose ? Il me parait plus léger que les autres jours. Non, non, j’ai tout, y compris la corde que j’ai trimbalée pendant tout le raid et le pique-nique pris au refuge. Je dois m’y habituer. A la sortie du refuge, la première difficulté s’offre à nous. Une pente raide toute verglacée à traverser. Mais avec les couteaux, ça passe bien et je me sens monstre en forme ! L’ambiance est à la rigolade. Le chien du gardien nous suit et Jérôme traîne derrière à faire le fou avec lui. Je suis vite au col de Marinelli de la veille et je check mon portable pour voir s’il y a du réseau. Non, pas plus qu’au refuge. Tant pis, je serai mort pour le reste du monde pour un peu plus longtemps. C’est alors que je vois Valérie qui se dirige vers la petite bosse en face. Non, ce n’est pas normal. Normalement, c’est moi qui fait ce genre de détour. Ai-je le temps de la rejoindre sans retarder le reste du groupe que je vois déjà arriver. Oh, ils feront de toute façon aussi une pause au col. Je fonce au pas de course et la rejoins. Séance photo, et nous redescendons ensemble.
Le plateau glaciaire qui suit est extraordinaire. Quelle chance j’ai d’être ici par une si belle journée au lever du soleil. Etant donné les expressions d’émerveillement échangées entre nous, le sentiment est sans aucun doute partagé de tous. Après une nouvelle pause, nous attaquons le col du Sasso Rosso au pied du Piz Argient et du Piz Roseau. Toujours en grande forme, je me retrouve devant et alors que peu à peu je creuse l’écart, je suis de plus en plus attiré par le Sasso Rosso apparemment facilement atteignable par une arête. J’accélère le rythme pour ainsi avoir le temps d’y aller avant que les autres n’atteignent le col. J’enlève les skis au pied de l’arête, passe le minuscule bivouac Pansera qui borde cette magnifique arête et arrive en haut. Je lève les bras au ciel en regardant le reste du groupe loin en contre bas. La vue sur le Piz Palu, objectif du jour est magnifique. Je reste un moment en contemplation avant de me retourner. Tiens, mais je n’aperçois ni Valérie ni ses skis à côté des miens. Ca m’étonne, mais voilà qu’elle émerge de derrière un rocher. Elle me fait lever les bras pour la photo puis nous en faisons assis sur un petit rocher les pieds dans le vide. En redescendant, je me sens si léger, sans gros sac, que je cours dans la neige !
Nous traversons un nouveau plateau pour atteindre le pied de la pente qui mène à l’arête du Piz Palu. Crampons aux pieds, skis sur le sac, nous attaquons la pente. En haut, de l’autre côté, y’a du gaz ! Une pente de 50° toute en neige de 800 m de haut ! Waouh, j’adore. Je redescends donner un coup de main à Anne et Didier qui s’en sortent en fait très bien. De là, nous sommes vite au sommet et après les traditionnelles félicitations et une photo de groupe, nous mangeons un morceau sans trop traîner étant donner les difficultés qui restent à venir avec la traversée de l’arête jusqu’au sommet oriental.
Jérôme décide de prendre Anne, Valérie et Dominique avec lui. Je prends Valérie et Didier. Je les tiens très court. Jérôme me fait des marches au plus haut de l’arrêt pour que je puisse sauter de l’autre côté, si l’un d’eux venait à glisser. Y’a encore du gaz et j’adore la sensation de marcher sur ce fil à rasoir. Une dernière pente assez raide le long de l’arête nous amène au col où nous pouvons enfin rechausser les skis. Nous profitons de la descente vers Morteratsch. Une vraie soupe dans le bas nous retarde un peu puis nous rejoignons une piste de ski de fond pour rejoindre le parking et la voiture de Dominique.
Un superbe raid et une formidable équipe ! Merci à tous !
Le retour est pimenté par le fait de devoir charger la voiture sur le train pour passer un tunnel !







































































