TDS « Sur les Traces des Ducs de Savoie »
120 km – 7037 m D+
L’année passée, j’ai couru la CCC, un demi-tour du Mont-Blanc par le nord. Cette année, j’ai décidé de m’attaquer à la partie sud, en participant à la TDS « Sur les Traces des Ducs de Savoie », empruntant les plus beaux sentiers du pays du Mont-Blanc, de la Vallée d’Aoste, de la Haute Tarentaise et du Beaufortain. Les deux Savoie et le Val d’Aoste comptent parmi les provinces ayant durablement fait partie des Etats de Savoie.
De retour à Courmayeur pour le départ, cette année il ne pleut pas. Nous entonnons ensemble la marseillaise puis l’hymne italien et c’est parti pour une balade dans le village au milieu de la foule, un hélicoptère au dessus saisissant le moment.
Je me sens bien et entame tranquillement la montée au col Checrouit appuyant bien sur mes bâtons avant de bifurquer à gauche pour une montée très raide qui m’amène au col de la Youlaz (2661m).

Je rejoins la Thuile par le vallon de la Youlaz où je retrouve mes parents venus me supporter et m’assister. Je leur ai préparé un sac avec la plupart de mon matériel en double.

Une seconde ascension de 700m me mène au Col du Petit Saint-Bernard (2188m, ravitaillement).
Je quitte alors la Vallée d’Aoste et commence mon périple en Haute Tarentaise par une longue descente le long de la Voie Romaine, facile, agréable, dans laquelle je m’applique à préserver mes cuisses au maximum. Cependant, au fur et à mesure que je descends le chemin devient de plus en plus raide et technique et la chaleur se fait ressentir de plus en plus. Je lutte sur la portion plate avant le ravitaillement pour continuer à courir. Mon équipe d’assistance n’a pas pu être là à temps, je les cherche et néglige probablement mon ravitaillement ramassant simplement quelques barres énergétiques que je case dans mon sac. J’ai déjà des maux de ventre et n’arrive plus à rien avaler. J’ai dû manger ou boire quelque chose qui ne passe pas, que je n’avais pas testé avant, une erreur de débutant ! Je passe au GCV (Gentil Contrôle Volant) où on vérifie que j’ai bien mon téléphone portable et mon tee-shirt manches longues. Un peu dans le gaz, sous l’effet d’une petite hypoglycémie, j’en oublie presque de remplir ma poche à eau. Je traverse tout Bourg St- Maurice en marchant essayant de retrouver mes esprits et profitant de l’occasion pour consulter mon portable : « Risque d’orage sur le Passeur de Pralognan, parcours dévié avant le Fort du Truc jusqu’au Cormet de Roselend. Suivez le balisage. ». Une montée de moins, ce n’est pas plus mal !
Je ralentis fortement mon allure et monte doucement au Fort de la Platte. Nous sommes plusieurs à nous mettre sous un tuyau d’eau mis à disposition par un habitant tellement nous avons chaud. Nouvelle erreur ! Alors que nous plongeons le long d’une petite route, l’eau glacée de mon tee-shirt sur mon ventre n’arrange rien à mes problèmes de digestion.
J’apprendrai par la suite que de nombreux coureurs ont, comme moi, souffert de la chaleur.
Des discussions agrémentent cette longue descente jusqu’à la route principale qui mène au Cormet où on nous annonce 10 km de Bitume jusqu’à Chapieux. C’est long et je comprends petit à petit qu’en fait ce changement va nous faire un bon détour, au final, cela sera 8 km en plus ! Le pourcentage oscille entre 7 et 8% ce qui n’est pas beaucoup. Pourtant je suis incapable de courir tout du long, toujours pas remis de mon passage à Bourg-St-Maurice. Je décide d’en profiter pour me reposer et m’alimenter régulièrement pour essayer de reprendre des forces.
Quelques gouttes de pluie tombent juste avant les Chapieux où il n’y toujours pas de ravitaillement. « Oh là, par là ». Encore dans le gaz, j’allais tout droit au lieu de prendre à gauche sur un chemin cette fois-ci mais on retrouve vite le bitume que je suis péniblement pour rejoindre les bénévoles de Beaufort au Cormet de Roselend (ravitaillement). Je suis à ma première barrière psychologique qui représente une bonne moitié de faite mais étant donné mon état, l’arrivée me semble hors d’atteinte. Je m’arrête longtemps, me restaure et me remonte mon moral avec mes parents !

Je repars tranquillement ne sachant pas très bien jusqu’où j’irai mais m’assois déjà par terre quelques centaines de mètres plus loin pour enlever un caillou de ma chaussure que j’ai oublié d’ôter au ravitaillement. J’échange quelques mots avec le photographe incrédule qui vient de me prendre sautant un ruisseau. Le panorama est maintenant grandiose, il fait moins chaud et je me sens vite mieux. Une lueur d’espoir revient, je fais ma course et on verra bien. J’échange quelques mots sympathiques avec la première féminine que je double et arrive vite au Col de la Sauce. La descente jusqu’au hameau de la Gitte, empruntant l’étonnant passage du Curé où je suis d’ailleurs filmé, est paradisiaque. Je traverse seul ces hauts alpages au son des clarines et de la Gitte qui coule, alors que le soleil se couche laissant transparaître de magnifiques couleurs rougeâtres sur les crêtes environnantes.
J’allume ma frontale à Entre 2 Nants où j’échange encore quelques blagues avec les bénévoles, puis remonte vers le Col de Gitte jusqu’à 2322m d’où l’on peut découvrir un extraordinaire panorama sur les chaînes du Mont-Blanc, des Aiguilles Rouges, des Fiz et des Aravis, avant de traverser, par un petit sentier méconnu, la “Grande Pierrière” jusqu’au Col du Joly (ravitaillement) où je suis accueilli par le speaker de l’équipe de Hauteluce.
La descente vers Notre Dame de la Gorge est raide et technique mais je parviens à trouver un rythme assez lent qui permet de préserver ce qui reste de mes jambes ! Suis ensuite une portion plate que je redoutais un peu mais qui passe finalement très bien, d’autant plus que je papote une bonne partie du temps avec un coureur à propos de nos expériences relatives de l’année passée sur l’UTMB pour lui et la CCC pour moi.
Aux Contamines (ravitaillement), j’ai la joie de retrouver mon équipe supportrice ce qui m’aide énormément psychologiquement. Maintenant, si tout va bien je les revois à l’arrivée mais c’est loin d’être gagné ! Je connais la partie qui arrive pour l’avoir faite cet hiver avec Thomas et Adrien. C’est un avantage et je m’engage de nouveau dans la nuit, remonte vite aux Chalets du Trucs, redescends aux Chalets des Miages et entame le Col de Tricot. C’est interminable. Ca commence à être dur malgré le rythme lent que j’imprime. Le halo de lumière des bénévoles au col se confond avec les étoiles dans le ciel et tout ça ne semble jamais se rapprocher. Mais tout d’un coup j’y suis et redescends par un sentier technique, dans la nuit jusqu’à la langue terminale du glacier de Bionnassay surmontée d’une grande passerelle ressemblant à celles de la vallée du Khumbu au Népal. Délire !
Je remonte jusqu’à Bellevue, passe les rails du petit train qui mène au Nid d’Aigle, point de départ de l’ascension du Mont Blanc par sa voie classique, et ouah, quel spectacle, découvre la vallée de Cham, toute illuminée, qui s’étend à mes pieds. Je change mes piles de ma frontale avant de plonger sur les Houches (ravitaillement) par une descente toujours aussi technique.
Cette fois, il faut que je termine et je parviens sans mal à respecter mon objectif qui était de courir sur cette portion relativement plate déroulant avec plaisir ma foulée. Dernier obstacle à ma longue cavalcade, le parcours a été débalisé sur les derniers kilomètres avant Chamonix. Ca y est, j’attaque le bitume que je ne quitterai plus. C’est long, j’ai depuis longtemps perdu toute notion de l’heure et suis surpris par les rues désertes de Chamonix. La rue piétonne, un virage à gauche et ça y est, je suis sous l’arche d’arrivée. Incroyable, je l’ai fait ! Done it ! J’embrasse mes parents encore debout pour me soutenir et récupère ma polaire sans manche « The North Face » de Finisher. Heureux !

Dans les jours qui suivent, je profite largement de la fête, arpentant les rues de Chamonix dans un flot de personnes, habillées en coureur ou marchant bizarrement mais affichant fièrement leur polaire bleue de Finisher. Une ambiance particulière « trail » règne dans la vallée. On s’interpelle dans les restaurants avide d’impressions sur nos courses.
Couché sous ma tente, vendredi soir, je pense à ceux de l’UTMB qui partent à 23h30. Le lendemain, nous partons voir les 3 premiers au Col de la Forclaz puis à l’arrivée à Chamonix profitant ainsi de la fête devant l’écran géant, la musique rendant le moment bien particulier.
De retour au camp, un arceau de ma tente s’est brisé, déchirant la toile laissant peu à peu tomber la l’intérieur sur moi durant la nuit et m’obligeant à dormir à moitié à la belle étoile. Ceci ajouté à mon sommeil encore perturbé par la course fait que dimanche matin, à 6h, je suis au ravitaillement d’Argentière à encourager les rares coureurs et à discuter avec les bénévoles qui trouvent le temps bien long alors que seulement une soixante de coureurs sont passés sur les 2000 partants.























