Traversée Bionnassay Mont Blanc
Le toit des Alpes par l’arête Metrier et l’Aiguille de Bionnassay, un itinéraire très esthétique au départ du sommet de télésiège du Prarion, au dessus des Houches, pour arriver à l’Aiguille du midi 3 jours plus tard en passant par Bionnassay et le Mont Blanc !
Vendredi : départ à 10h13, 6h06 au total, 1242 D+, 427 D-
Après avoir passé une bonne nuit au centre CAF du Tour, je retrouve Jérôme et Valérie sur le parking du télésiège du Prarion. Alors que nous nous mettons en route, le soleil brille sur l’Aiguille de Bionnassay et le Mont Blanc. Le télésiège de Bellevue étant fermé pour cause d’incendie nous rejoignons d’abord Bellevue à pied puis, par un magnifique sentier ombragé montons au col du Tricot. La dernière fois que j’ai pris ce sentier c’est dans l’autre sens, de nuit, lors de la TDS. Que de bons souvenirs !

Une bonne pause déjeuner nous redonne de l’énergie pour attaquer un sentier très agréable, assez technique, à flanc de montagne, jusqu’au refuge Plan Glacier. Celui-ci caché en partie sous la neige est vraiment atypique et minuscule. Une simple table en bois sur la gauche fait office de salle à manger et les couchettes sont empilées sur 3 étages sur la droite. La tartiflette de ce soir est servie dehors, en terrasse, en face de l’arête Metrier au programme de demain. Zebulon1 partage notre table et nous parle de parapente.
Samedi : départ à 4h06, 10h12 au total, 1387 D+, 749 D-

Petit déjeuner servi dehors à 3h30 ! Nous partons les derniers. La rimaye se passe facilement et le couloir de neige se monte bien. Nous arrivons dans une partie rocheuse où la difficulté majeure est de ne pas faire tomber de pierres plus bas. La sortie de cette arête très esthétique se fait à l’est du Col des Dômes (3620 m). N’ayant jamais fait les Dômes de Miage, je pars en aller-retour, avec Jérôme, pour une chevauchée esthétique et sans grande difficulté. Au retour, nous aidons un parapentiste à décoller mais il nous fait bien peur car sa voile se replie à moitié alors qu’il est déjà bien bas dans la pente et sans crampons.

Nous retrouvons Valérie et je prends 5 bonnes minutes pour régler mes crampons correctement qui m’appuient bien trop fort sur l’arrière du pied. Ils m’ont déjà provoqué une ampoule mais heureusement, la compeed fait son effet et je ne sens pratiquement plus rien en repartant vers le plus haut sommet des Miage.

L’arête mixte jusqu’au refuge Durier nous prend plus de temps que je ne pensais d’autant plus que Jérôme est obligé de remonter le rappel pour récupérer mon piolet oublié. Nous atteignons la cabane en tôle vers 14h15. La gardienne nous réserve un très bon accueil et je discute un peu autour d’un chocolat chaud avant d’aller faire une sieste de 2 bonnes heures.
Dimanche : départ à 2h41, 14h45 au total, 2079 D+, 1669 D-
Au moment de se lever, à 1h45, je suis déjà réveillé. Il fait bon et je pars sans mon sur-pantalon et juste avec ma softshell. Le bastion rocheux, partie la plus technique et aérienne de l’arête sud de Bionnassay , que nous attaquons alors que le jour arrive, demande un peu d’escalade. Valérie et moi avons froid aux pieds en attendant au relais. Il règne une bonne ambiance avec du gaz sous nos pieds et le Mont Blanc à notre droite.

Nous atteignons l’arête sommitale (4052m). Ici, le piolet bien en main, mes crampons gravant en pointillé ma signature, je laisse errer mon regard entre 2 mondes : celui de la vallée, aux sombres verdures où scintillent encore quelques réverbères, et l’autre de dentelles pourpres quand l’astre frise à peine le grain blond des cimes.

L’arête impressionnante, parfois en lame de couteau, d’abord raide et effilée puis plus large, remonte jusqu’au Piton des Italiens (4002 m). La vue sur le Dôme du Goûter (4304 m), le refuge Vallot, l’arête des bosses est grandiose. Tout au loin, l’aiguille du midi nous rappelle le long chemin qui nous reste à parcourir.
Un crochet nous mène au sommet du Dôme du Goûter (4304 m) avant de rejoindre la voie normal du Mont Blanc. Dans ma tête, c’est une première étape de franchie et nous pouvons maintenant attaquer l’ascension du Mont Blanc. Sur l’arête des Bosses, nous croisons Patrick Gabarrou2 qui échange quelques mots avec Jérôme. Quel honneur de rencontrer cette figure de l’alpinisme français !

Comme par miracle, les 2 alpinistes qui descendent nous laissent le sommet et Jérôme me laisse le privilège de fouler le sommet en premier ! Me voilà sur le toit des Alpes ! Une première ! Valérie a très mal à la tête si bien que nous ne trainons pas longtemps au sommet. De toute façon, ce n’est pas plus mal car je grelotte.
Nous descendons sur un bon rythme, passons le mur de la Côte, mais, dans la montée après le Col de le Brenva (4 303 m) , je n’ai plus d’énergie. La corde entre moi et Valérie, devant moi, se tend régulièrement. J’ai l’impression que je vais tomber d’épuisement. J’ai juste envie de me coucher dans la neige. Enfin en haut, je m’écroule et demande une pause. Ils en profitent pour manger un morceau car il est déjà 15h. Pour ma part, je me force à avaler quelques pruneaux et une barre. Nous n’avons déjà plus d’eau depuis 20 min. Il ne nous reste plus que 2h30 avant la dernière benne à l’Aiguille du midi.

Dans l’Epaule du Maudit, moitié en moulinette, moitié en dé-escalade, nous gagnons un relais sous un éperon rocheux. Je suis toujours fatigué mais ça va bien mieux. C’était clairement une hypoglycémie. En plus de l’effort, le froid a du me bouffer beaucoup d’énergie. Nous accélérons un peu le pas alors que nous passons à l’endroit où il y a eu neuf morts dans une avalanche l’an passé.

Encore une montée à l’Epaule du Tacul, puis la longue descente sur la voie normal du Tacul, la traversée du plateau au Col du midi (3532 m) et enfin la remontée vers l’Aiguille du Midi. Nous n’en pouvons plus mais nous l’avons fait ! « Le dernier départ pour Chamonix dans 5 minutes » ! Mince, nous qui croyions avoir un peu de marge ! Nous faisons sauter les crampons et nous précipitons pour prendre les billets. La chance est avec nous. Ils viennent de fermer la caisse et on nous dit de passer comme ça, sans payer ! A Chamonix, au bar en face de la gare du téléphérique, morts de soif, nous nous commandons 2 grandes bouteilles de Badoit en plus de nos boissons !
Une belle bambée où la magie de l’altitude, de l’espace et de la lumière a encore opéré !

- Bertrand Roche, alias Zébulon (ou Zeb) est un alpiniste, guide de haute montagne, parapentiste français, moniteur de parapente breveté d’état. À 11 ans, il atteint le sommet du mont Blanc et le 7 octobre 1990 à 17 ans, il gravit l’Everest, devenant alors certainement, à l’époque, le plus jeune summiter et, par la même occasion, le premier à atteindre le sommet en même temps que son père. ↩︎
- Guide de haute montagne depuis 40 ans et alpiniste de renommée internationale, Patrick Gabarrou a réalisé plus de 300 « premières » dans les Alpes et sur les montagnes du monde. ↩︎






























