Elbrouz (5 642 m)

La deuxième tentative est la bonne pour fouler le sommet ouest de l’Elbrouz, toit de l’Europe géographique dans le Caucase du Nord, en Russie (Terskol).

17/18 jeudi vendredi – Voyage

Chargé de mes 35 kg, je marche jusqu’à la frontière pour prendre le tram vers la gare SBB de Basel. J’attrape un train pour Zurich et arrive 4h en avance. Pas de chance, la toute nouvelle réglementation ne prend plus l’équipement de ski gratuitement. Je suis obligé de trouver de la place pour mes chaussures de ski dans mon sac, d’aller payer 50€ pour les skis au guichet de la compagnie et de refaire la queue pour avoir mes billets d’embarquement. Ça sera bien sur le même bordel au retour! Je retrouve le groupe allemand d’AMICAL (Reinhold, Carsten, Thomas, Gerd, Gerhard, Heinz, Anna, Robert et Thomas notre guide) au milieu de la nuit à Moscou et nous embarquons pour Mineralyne Vody. Là un chauffeur nous attend pour nous emmener en 3h à notre hôtel très chouette de Terskol dans la vallée d’Azau, où la route se termine et où l’aventure commence !

19 Samedi – Acclimatation sur les flancs de l’Elbouz

Aujourd’hui est une superbe journée et nous en profitons pour monter tout de suite sur les flancs de l’Elbrouz. Nous prenons 2 tronçons de télécabine jusqu’à environ 3900m puis continuons vers le camp des « botschkis », sorte d’énormes cylindres qui contenaient du pétrole sous l’ère soviétique! Nous montons à un peu plus de 4200m et je suis en teeshirt manches longues. L’Elbrouz me semble à portée de skis ! J’ai très légèrement mal à la tête mais ce sera parfait pour mon acclimatation. On dit toujours “go high, sleep low” ! J’hallucine en voyant les motoneiges emmener les clients haut sur la montagne alors que nous sommes à côté en skis ! Thomas dit d’ailleurs: “Never seen anything like that on any mountain in the world !”

20 Dimanche – Acclimatation sur les flancs de Cheget

Le petit déjeuner est copieux: 2 saucisses, une espèce de blé, fromage, 2 grosses pancakes, pain confiture et 1 œuf de Pâques chacun distribué par Anna !


Thomas me demande des infos sur Odyssée Montagne et on vient à parler du Denali. Il m’avait déjà dit qu’il était allé 7 fois au sommet mais il me raconte son sauvetage héroïque de 2002. Après avoir accompagné son groupe au sommet, il remonte pour faire le couloir Messener avec un ami, comme prévu par son permis, ce qui me paraît déjà être héroïque ! Au niveau du grand plateau (surnommé “football field”, que je n’ai moi-même pas atteint lors de ma tentative), il aperçoit un morceau de ce qu’il pense être des débris de tente. Il se détourne de son chemin pour aller vérifier mais en arrivant sur place, il découvre ce qu’il croit être un cadavre. Le ventre est à l’air, les doigts sans gant sont noirs, le visage est couvert de neige. Alors qu’il commence à prendre des photos pour faciliter le rapatriement du corps, il entend soudain un grognement. Il est vivant. Il rassemble quelques personnes pour l’aider à le transporter en haut du passage technique au-dessus du camp 4 (« Medical camp ») et appelle par téléphone satellite les secours : “Si vous n’envoyez pas d’hélicoptère très rapidement, il va mourir !”. “Impossible, c’est trop haut”, lui répondent les rangers. Mais finalement, le pilote dit qu’il va essayer. Il envoie d’abord un avion pour survoler la zone et prévenir le pilote lorsqu’il y a un trou dans les nuages. Il est seul et n’a que très peu de carburant pour être le plus léger possible. Il prévient Thomas qu’il n’a qu’une seule chance pour attraper le filin qui pend. Il se loupe et l’hélicoptère disparaît. Par chance, il réapparaît quand même pour un 2ème essai. Cette fois, il accroche la victime. C’est alors que l’hélicoptère penche de côté et commence à tomber vers le bas, mais se rétablit in extremis et emporte enfin la victime. Rapatrié à l’hôpital d’Anchorage, son corps à 32 degrés, la personne survivra. Thomas et le pilote ont chacun eu une médaille pour ce sauvetage qui, en 2002, était le plus haut jamais réalisé en Amérique. Il a même le droit à une photo au bureau des Rangers à Talketena. Il va presque sans dire que c’est un honneur pour moi d’aller à l’Elbrouz avec lui !


Il fait moins beau. On monte 2 tronçons en télésiège puis une heure de peaux, en direction de Cheget, nous amène à notre point haut. De là, Vladimir nous montre le col beaucoup emprunté à l’époque soviétique pour aller en Géorgie de l’autre côté.
Descente, puis remontée du 2ème tronçon et descente directe car la neige commence déjà à être mauvaise. Le genre de télésiège une place que nous empruntons a été mis, en Allemagne, dans un musée ! Le repas au resto, en bas, est très apprécié : vodkas, brochettes de poulets au barbecue, frites et crêpes au fromage, spécialité de la région.
Le programme de l’après-midi est de se fournir en bières et autres car demain nous montons pour 4 nuits aux botschkis. Nous préparons aussi nos sacs qui seront montés par des motoneiges ! Un luxe auquel je ne m’attendais pas du tout!

21 Lundi – Installation au « botschkis » et acclimatation

Alors que les cartons pour le camp sont étalés devant l’hôtel, Vladimir, notre guide Russe, nous présente le reste de l’équipe : Vladimir (administrateur des botschkis), Alex et Alexandre (deux autres guides) et Alexandra qui fera la cuisine pour tout ce petit monde.
Un accès directement sous la télécabine nous permet de charger les sacs beaucoup plus facilement. En haut, les sacs sont montés par des « snowcats » (dameuses équipées pour porter les touristes et leurs affaires) jusqu’au camp des botschkis. Nous ne dormirons pas dans ces barils mais dans 2 refuges un peu plus confortables pour 8 personnes (5 dans chaque). Après avoir simplement déchargé nos sacs nous poursuivons, 5 d’entre nous, jusqu’à 5000m. Le tracé devient plus sauvage et beau après les Pastukhov Rocks (4700 m). Au retour, Alex, qui a pourtant fait le K2, n’a visiblement pas l’habitude de skier et tombe tous les 100m. Malgré cette grosse journée en altitude, je n’ai pas mal à la tête.

22 mardi – Acclimatation et préparatifs

Il neige et le temps est couvert comme prévu par Gérald le routeur copain à Thomas. Apres un copieux petit déjeuner d’œufs, yaourt et porridge, nous montons pendant environ 3h, guidés par le GPS de Thomas, de manière à être de retour pour le déjeuner d’Alexandra à 13h. L’après-midi, nous préparons consciencieusement nos affaires: crampons, système de chauffage des semelles, pantalon et veste en duvet, nourriture. Pour l’eau, nous laissons les thermos et bouteilles à Alexandra lors du repas à 17h. Le plan est de partir à 23h30… Il annonce une fenêtre météo sans nuage et peu de vent avant 9h. 18h30, je me couche et lis 1/2 heure puis j’essaie de dormir … sans succès. Maintenant, malgré mes doutes et mes inflammations qui recommencent, j’ai envie d’y aller!

23 mercredi – Tentative infructueuse et sauvetage

Après un départ à minuit, légèrement retardé par des problèmes de fixation de Heintz, nous mettons vite les grosses doudounes car il fait froid. Mon système de chauffage des semelles réglé d’abord sur 1 puis sur 2 a du mal à me réchauffer les pieds mais ça va. Après être monté sous un ciel étoilé, le vent se lève et Thomas décide de faire demi-tour à environ 5200 m avant de perdre toute notre énergie. Heinz a un problème d’équilibre. Nous sommes obligés de le redescendre à pieds. Nous mettons tous nos crampons, de toute façon avec ce vent et cette visibilité, c’est plus prudent. Thomas me demande de prendre les skis de Heinz et de passer derrière. Il m’avait déjà refilé un sac à Anna qui avait du mal à la montée… Les deux paires de skis sur mon sac prennent le vent et me baladent constamment. Autant dire que la longue descente derrière Heintz qui est encordé et soutenu de chaque côté est éprouvante. Plus bas, nous avons droit un tour de dameuse gratuit qui sera pris en charge par l’assurance.

24 jeudi – Le jour du sommet

Levé 2h45, à 4h, nous sommes tous dans un snowcat tout neuf qui nous monte jusqu’à 4 650 m. Après être déjà monté à 5000 deux fois, personne n’avait envie de le refaire une 3ème fois. Il nous dépose dans une pente verglacée. C’est déjà du sport de chausser les skis et mettre les couteaux! Je souffle comme un bœuf! Après quelques problèmes matériels, nous partons enfin tranquillement.


Nous mettons bientôt les crampons et Thomas laisse le choix de prendre les skis. J’avais dit que je ne les prendrais pas mais le vent est moins violent que la veille et Carsten et Thomas les prennent. Ce dernier m’invite à les prendre. Je ne pensais pas en avoir pour trop longtemps à les porter mais, ça n’en finit pas. Mon sac glisse sur ma doudoune et les skis me pèsent. J’arrive vidé au col. L’Elbrouz m’impressionne. Comment vais-je faire pour encore me hisser là-haut? Vladimir, nous annonce 2h pour le sommet. Mais la pause, au col, me requinque. Je bois mon “Marche thé”, mange deux barres, une pâte de fruit, un mélange à base d’amandes et une figue. Enfin, je bricole une sangle de poitrine avec les sangles des bretelles, la mienne étant cassée. Ça va bien mieux. Je chante même quelques comptines pour m’entraîner … Thomas insiste toujours pour que je passe derrière lui pour parfaire la trace. Après un passage sur quelques cailloux, nous nous assurons sur un court passage sur une corde fixe. Une petite pause, une traversée et un dernier coup de cul et j’atteins enfin le sommet de l’Elbrouz, toit de l’Europe géographique. Suivent embrassades, félicitations et photos, alors que Thomas installe de beaux drapeaux traditionnels népalais.


Carsten et moi chaussons les skis après la corde fixe. Thomas descend le groupe jusqu’au col et chausse après avoir résolu des problèmes de neige qui colle sous ses skis. Vladimir accompagne le reste du groupe à pieds. Si, ça valait le coup de monter les skis ! Nous empruntons un itinéraire légèrement différent de la montée avant de rejoindre le dépôt des skis. Il fait super beau et j’ai un peu chaud dans mes vêtements en duvet. Thomas attend le groupe à l’endroit où nous a déposés le snowcat ce matin. Carsten et moi descendons tranquillement jusqu’au botschkis. Les autres arrivent 1 heure après. Nous aurons mis 12 h et 9h pour le sommet. Je n’ose pas dire le temps que mettent les coureurs à pieds lors « L’Elbrus race » qui a lieu chaque année en mai.
« Gipfelbier » et Vodka sont partagés lors du goûter.

25 Vendredi – Retour sur le plancher des vaches

A 8h, ce matin, nous nous réveillons pour ranger nos affaires dans les sacs d’expé qui seront ensuite descendus en snowcat. Après le petit déj, nous descendons en skis jusqu’au haut des télécabines, chargeons nos sacs dans la benne puis je continue avec d’autres en skis jusqu’à la station intermédiaire. Là, nous sommes obligés de prendre la benne car il n’y a plus assez de neige plus bas. C’est là que j’apprends que j’ai 2 petites gelures mineures sur le visage. Super! C’est ça de faire le malin à être le seul à ne pas se protéger le visage en montant. L’après-midi est tranquille. Nous descendons à pieds à la pinède à Cheget. J’achète une carte postale et des poupées russes (ou matriochkas) puis direction le sauna. Le soir, l’hôtel, à la demande d’AMICAL, a prévu du champagne et de la vodka. Nous en profitons pour distribuer les pourboires au staff qui a été exceptionnel.

26 Samedi – Retour en France

Départ à 8h en bus pour Mineralyne Vody. Les autres ont un vol 2 h plus tard et me déposent à l’aéroport avant d’aller déjeuner en ville. Dans la précipitation, j’oublie ma veste en Primaloft avec la poupée russe. Grrr, encore une fois j’aurais dû simplement mettre le tout dans mon sac sans me soucier qu’elle soit écrasée.
Gerd me confirme, néanmoins, par SMS que Thomas la fera envoyer par AMICAL.


Florence est là pour me récupérer à la gare de Bâle à 23h15. Je suis bien content de rentrer après cette belle aventure en Russie à la conquête ce beau sommet.

Caucase
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