CCC
Premier ultra-trail, au dessus de 80km dans la littérature, reliant 3 villes Courmayeur-Champex-Chamonix pour 3 pays Italie-Suisse-France: 98km, 5600 m D+
L’aventure commence avec un sursaut alors qu’un SMS me réveille à 5h30 :
«Ultra-Trail du Mont-Blanc –
Attention, conditions météos prévues durant la course : pluie, vent et froid
Prévoyez le matériel nécessaire. »
Je ne dors pas beaucoup dans la demi-heure qui me reste plutôt l’esprit occupé à ruminer sur le choix de ma tenue vestimentaire. Finalement, je change tout. Adieu le short court. Je partirai avec mon corsaire, faisant partie de l’équipement obligatoire que j’aurais porté dans le sac et ajoute, dans l’espace ainsi libéré, un tee-shirt manche longue, assez épais, que j’avais balancé dans ma valise à tout hasard en venant à Chamonix. Je pars du camping d’Argentière et laisse ma voiture sur une place de parking 24 heures … et voilà une barrière horaire supplémentaire !
Je retrouve Angie et Joël, avec lesquels je me suis inscrit, et nous prenons ensemble la navette pour Courmayeur. La malheureuse s’est fait une fracture en VTT, dimanche dernier, et a le bras en écharpe mais a décidé, très courageusement, de tenter le coup quand même. Chapeau bas !

Je dépose mon sac, contenant des habits pour me changer et de quoi prendre une douche, avec les 1800 autres et le retrouverai à l’arrivée, à Chamonix. Je chante la marseillaise avec les français sous la pluie et choisis de mettre ma veste. Ce n’est pas la peine de commencer à brûler de l’énergie à se réchauffer avant le départ ! J’adopterai d’ailleurs ce principe tout au long de la course avec une petite astuce toute simple qui m’évite de m’arrêter sans arrêt : garder ma veste autour de la taille. Je la roule deux ou trois tours et avec un bon nœud de judoka le tour est joué. Le judo m’aide beaucoup en trail, le nœud de ceinture mais aussi, la souplesse, l’agilité, savoir chuter et ne pas en avoir peur, bien se couvrir avant l’épreuve pour rester chaud et bien sûr le Code Moral du Judo1 que j’ai appris à respecter (amitié, courage, honneur, modestie, respect, contrôle de soi, politesse, sincérité).
Nous entonnons tous ensemble le décompte final en terminant, comme demandé par le speaker, par CCC et c’est parti. J’aperçois Angie et Joël, partis devant, arrêtés sur le côté et ne les reverrai plus. Après le passage dans Courmayeur, nous entamons l’ascension des 1300 m de la Tête de la Tronche. Là, sous la pluie et les rafales de vent, lors des passages exposés, il faut se motiver et rester concentré. Je monte doucement en veillant toujours à ne jamais me mettre dans le rouge et ne pas rester bloqué derrière un coureur légèrement moins rapide. Suit alors un beau passage sur une crête plus roulant. Il ne pleut plus et la vue se dégage sur le Val Ferret. C’est une partie magnifique. Je revois alors mes entraînements, sous la pluie, sur les crêtes vosgiennes, en Angleterre pour les « 3 Peaks », en campagne, dans le Pays de la Vôge, ou encore en Alsace au Mont Saint Odile.
Tout ça me redonne la pêche mais plus bas le chemin devient vraiment boueux. Alors que je dépasse un coureur je me prends ma première bûche. Je suis repeint ! 5 minutes plus tard rebelote. Cette fois, ça m’énerve d’autant plus que j’ai l’impression d’avoir tordu mon bâton. Je me vois déjà avec un bâton ce soir dans la nuit. Je ne me rendrai compte que bien plus tard que ce que j’ai pris pour une fissure n’était en fait qu’une des jointures entre les différents brins.

L’arrivée sur Arnuva me donne un premier aperçu de l’ambiance incroyable que je rencontrerai sur tout le parcours et spécialement autour des grands ravitaillements. Je suis chaleureusement applaudi et encouragé par mon prénom ce qui me surprend toujours.
Je continue mon petit bonhomme de chemin, passe le Grand Col Ferret (la sonnerie d’un SMS me rappelle alors que je bascule en Suisse), le ravitaillement de la Fouly et attaque les 500 mètres de dénivelé par le sentier des champignons, bordé de magnifiques sculptures taillées dans les souches, menant à Champex. J’ai alors perdu toute notion de l’heure de la journée, les kilomètres et les heures passent à toute allure, l’esprit constamment occupé à la gestion de ma course.
Au gros ravitaillement de Champex, la famille à Joël est là et m’encourage. Comme beaucoup de coureurs, je suis déjà écœuré par le sucré et je mange un peu de soupe, un peu de pâtes nature et une compote tout en faisant le plein de ma poche à eau. Certains coureurs ont fait le choix de prendre un peu de temps et sont assis devant leur assiette de pâtes bolo.
La montée de Bovine n’est d’abord pas très raide mais j’ai du mal à courir. De petits troubles digestifs m’obligent à m’arrêter : j’ai la diarrhée. Avec une poignée d’autres coureurs, j’arrive au point de contrôle au sommet de Bovine sous la pluie qui ne cesse toujours pas. Je demande des anti-diarrhéiques et refais le plein de PQ ! Je perds encore un peu de temps dans la descente, obligé de m’arrêter une seconde fois, mais après ça, je ne serai plus embêté.
Au ravitaillement de Trient, il pleut à verse. Je refais le plein de ma poche à eau, troque mes lunettes contre ma frontale et enfile mon tee-shirt manches longues que j’ai eu la bonne idée de prendre et que je ne quitterai plus.

A 8h30, je retourne ma casquette et allume ma frontale. La deuxième partie de l’aventure commence ! Au sommet de Catogne, il fait nuit, je suis seul, la pluie tombe à verse et je suis obligé de baisser la tête pour lutter contre le vent. Bientôt, j’entends l’animation dans le bas de la vallée, c’est sympa. La descente devient beaucoup plus lente et plus technique la nuit, et requiert encore plus de vigilance et de concentration ce qui augmente significativement la fatigue. Malgré cela, j’arrive à Vallorcine plutôt bien, d’autant plus qu’une belle surprise m’y attend. Régis est là avec ses parents et fait quelques mètres avec moi avant le ravitaillement réservé aux coureurs. Joël est là aussi ayant choisi de s’arrêter à la Fouly mais j’apprends qu’Angie, malgré son bras est toujours en course ! Je mets du thé chaud dans ma poche. Ca me réchauffera et un peu d’excitant pour la nuit n’est, paraît-il, pas une mauvaise idée.
Je trottine doucement jusqu’au col des Montets qui est pour moi une première victoire personnelle étant le premier passage que je connais un peu. Je monte doucement, à mon rythme, ayant toujours le souci « dans garder sous la pédale », comme on dit dans le monde cycliste. J’arrive à un point où le chemin est complétement inondé et je n’ai pas d’autres possibilités que de mettre les deux pieds complétement dans l’eau. J’arrive sur les balcons au dessus de la vallée de l’Arve. Je m’imagine l’Aiguille Verte derrière moi et le Mont Blanc en face. La pluie me laisse un moment de répit, il fait bon, le chemin devient plus roulant et j’apprécie encore ce moment de la course. Passé la Tête aux Vents, je suis surpris d’arriver déjà à la Flégère reconnaissant la courte montée sèche sur un énorme chemin que j’avais pris l’été dernier avec mes parents.

J’entame alors la descente mais alors que je commence à peine la portion la plus technique, je n’arrive plus à faire un mètre sans glisser ou perdre l’équilibre. Je ralentis, ralentis encore, me fais doubler par plusieurs coureurs. Dans cette forêt assez dense, j’ai l’impression de ne plus voir aussi bien et je finis par être obligé de m’arrêter. Est-ce que c’est une petite hypoglycémie ?
Je me vois déjà faire toute la descente, 700 mètres de dénivelé négatif, en marchant, perdant ainsi un temps fou. Je prends un gel, mange 2 petites barres énergétiques et repars doucement. J’aspire encore un peu de thé mais c’est la panne sèche ce qui ajoute encore une inquiétude. Heureusement, ça va vite mieux et bientôt le chemin devient plus roulant. Ca y est, sous l’arche formé par les arbres au dessus du chemin, j’aperçois un halo de lumière. Encore quelques mètres de concentration avant de pouvoir relever la tête. Je longe bientôt l’Arve, passe devant le gymnase où j’ai pris mon dossard, entre dans les rues de Chamonix et passe sous l’arche d’arrivée sous les applaudissements des courageux et de la famille à Joël et Régis. Il est 1h30 du matin, après 15h30 de d’effort, c’est la délivrance. Je suis heureux. Je n’ai pas eu de réel passage à vide et j’ai pu apprécier la course malgré ces conditions particulièrement difficiles alors que j’apprends avec effarement que l’UTMB a été annulé.

Temps de passages
| Pts | Heure pass. | Tps course | Classt. |
| refuge Bertone | V-11:38 | 01:37:31 | 227 |
| Tête de la Tronche | V-12:29 | 02:29:03 | 207 |
| refuge Bonatti | V-13:06 | 03:05:54 | 164 |
| Arnuva | V-13:44 | 03:44:02 | 150 |
| Grand Col Ferret | V-14:44 | 04:43:42 | 121 |
| La Fouly | V-15:38 | 05:38:03 | 97 |
| La Fouly | V-15:41 | ||
| Champex | V-17:16 | 07:16:01 | 77 |
| Champex | V-17:23 | ||
| Bovine | V-19:02 | 09:01:34 | 69 |
| Trient | V-20:02 | 10:01:57 | 77 |
| Trient | V-20:11 | ||
| Catogne | V-21:45 | 11:44:56 | 77 |
| Vallorcine | V-22:05 | 12:04:48 | 62 |
| Vallorcine | V-22:09 | ||
| La tête aux vents | S-00:06 | 14:05:22 | 56 |
| La Flégère | S-00:28 | 14:28:05 | 55 |
| Chamonix | S-01:32 | 15:31:36 | 61 |
61 ème en 15:31:36












- Code Moral du Judo
L’amitié : C’est le plus pur des sentiments humains
Le courage : C’est faire ce qui est juste
L’honneur : C’est être fidèle à la parole donnée
La modestie : C’est parler de soi-même sans orgueil
Le respect : Sans respect aucune confiance ne peut naître
Le contrôle de soi : C’est savoir se taire lorsque monte la colère
La politesse : C’est le respect d’autrui
La sincérité : C’est s’exprimer sans déguiser sa pensée ↩︎