La traversée du Haut Atlas

12 jours de trek intensif et 3 sommets au Maroc

Merveilleux paysages couleurs ocres, torrents puissants, villages aux toits de terre accrochés aux flancs des collines et hauts plateaux parsemés de troupeaux errant aux milieux des genévriers, ce trek, intensif de plus de 10000 m de D+ et 280 km en 12 jours est une invitation à la découverte du Haut Atlas.

14 mai

Mathieu me récupère porte de Clignancourt après un voyage en train depuis les Vosges. Ca fait plaisir de revenir dans ces lieux connus et maintes fois traversés. Je retrouve aussi avec plaisir Patricia, Morgane, Gérard et sa maman qui m’accueillent pour la nuit. Le soir, nous allons tous prendre des pizzas, puis prenons quelques mojitos dans un bar de Pigale et revenons à pied. Quel préambule à ce trek dans le Haut Altas, en pays berbère !

15 mai

Mathieu et Gérard m’emmènent à l’aéroport CDG. Hamid, mon guide, m’attend à celui de Marrakech. Je suis seul et j’apprends que nous ne serons que 3 personnes pour le trek ainsi que 3 muletiers et Hamid bien sûr. Transféré à l’hôtel Tichka, je découvre un luxueux hôtel, le balcon de ma chambre donnant sur la piscine et les palmiers.


Je prends un taxi (30 Dhs) pour la place Djemaa El-Fna, traverse les souks et me rends à la Terrasse des Epices, un très bon restaurant où je dîne dehors, sur la terrasse du haut, dans l’ambiance feutrée de la nuit tombante. Je rentre à pied guidé par mon GPS.

16 mai

Je déjeune tranquillement au bord de la piscine où tourterelles turques et bulbuls de jardin viennent picorer dans mon assiette à la minute où je tourne le dos pour prendre une autre tasse de café ! Au RV, à 8 h, je rencontre enfin Guy et Marjorie mes compagnons de route pour ce trek. Durant notre transfert, un arrêt à Azilal agrémenté d’un verre sur terrasse du café local contribue à m’imprégner peu à peu de la vie simple et paisible qui règne au sortir des grandes villes.


Nous arrivons au gîte « Chez Ali » à Agouti dans la vallée d’Aït Bougmez après 6h de route. Je goutte à ma 1ère tajine au poulet à midi et à mon 1er thé à la menthe. Passant entre les gouttes de pluies, nous nous baladons jusqu’à chez le guide Alibert de Guy de l’année dernière avec qui il a déjà fait la traversée du Haut Atlas, mais la version beaucoup plus classique, en 18 jours. Nous offrant thé et crêpes dans son magnifique salon, je ressens immédiatement l’hospitalité et le sens élevé du contact humain de ces gens.


Nous grimpons ensuite jusqu’aux ruines du grenier au sommet d’une colline d’où la vallée d’Aït Bougmez se découvre à mes yeux, belle, ses couleurs de vert révélant la richesse de l’agriculture et calme, tranquillité seulement troublée par le minaret en contrebas d’où le muezzin appelle les musulmans à la prière. Dans les greniers, présents dans chaque village, chaque habitant avait autrefois une case à lui afin d’y sécuriser ses biens et réserves alimentaires en contrepartie d’une rémunération versée au gardien des lieux. Je peux encore observer les meurtrières d’où ils déversaient de l’eau et de l’huile bouillante sur l’ennemi. Soupe et couscous le soir.

17 mai

Départ à 7h45. Bientôt, sur ma droite, les roches de conglomérat pudingue, qui agglomèrent des éléments arrondis (galets), traduisent le long transport avant sédimentation, alors que les conglomérats brèches, qui contiennent des éléments anguleux, ont un temps de transport court. Dedans les restes des maisons troglodytes datent du XVème siècle alors que les tribus se battaient pour la nourriture. Certaines tribus cachaient alors leur précieuse nourriture dans ces cavernes creusées dans le rocher à flanc de montagne.


Dans la montée du col d’Aghouri (3400 m), nous prenons la pluie, rien de méchant, et du vent avec des rafales qui m’éjectent régulièrement de ma trajectoire de 3 ou 4 pas. Plus haut, je suis poussé dans les lacets avec l’amont à ma droite alors que je dois baisser la tête et forcer pour avancer dans les lacets, amont à ma gauche.


Arrivé au refuge Tilibit-n-Terkedit, sur le beau plateau de Terkedit, après une descente facile, le gardien nous sert le thé dans le hall où sont disposées banquettes et coussins, à la façon marocaine, tellement différente de nos refuges français où tout n’est que bois dur n’invitant guère à la relaxation après une grosse journée d’efforts. Je fais d’ailleurs une courte sieste mais la fumée du poêle me chasse et je sors discuter avec d’autres groupes. Nos muletiers arrivent et je donne un coup de main pour monter les tentes et nous mangeons finalement des crudités sous la tente mess vers 16h.


A 19h30, nous avons droit aux spaghettis qu’Hamid a découverts en commençant à faire des treks voici 3 ans ! Il enchaîne en nous décrivant la composition et l’étalement des repas typiques des marocains.

18 mai

Aujourd’hui, l’ascension du M’Goun (4068 m) était prévue mais au réveil à 5h, sous une petite pluie, Guy dit : « Je reste au lit ». Hamid acquiesce aussitôt. Au 2ème réveil à 7h45, il pleut toujours. Un groupe est parti mais a du faire demi-tour, trempé et transi de froid. Nous déjeunons tranquillement à l’abri de la tente mess puis je bouquine à l’abri de la pluie à côté des muletiers qui dorment. Vers 10h, des rayons lumières percent le ciel et nous démontons le camp finissant sous quelques gouttes qui nous obligent à courir nous mettre à l’abri du refuge où le gardien nous fait une flambée dans son poêle ce qui me permet de me réchauffer enfin les pieds.


Nous partons finalement en fin de matinée. Peu à peu, le soleil apparaît alors que nous passons les magnifiques sources de la Tessaout (2900 m). Nous passons le col d’où j’ai ma 1ère vue lointaine de l’Anghomar et descendons manger un peu plus bas.


L’après-midi, nous descendons vers le beau village de Tasgaïwalt, construit face à de belles croupes rougeâtres. Le soleil est maintenant radieux, la pluie du matin paraît déjà lointaine. Nous poursuivons la descente le long de l’Oued Tessaout où j’ai la joie d’échanger pour la première fois avec les villageois et les enfants qui nous courent après, curieux, nous demandant bonbons et stylos. Je ne croise que des femmes au travail alors que certains des hommes sont couchés le long des maisons.


Arrivé au village d’Aït Hamza, Mohamed, un de nos muletiers, vient nous faire traverser la rivière sur sa mule. Le camp est 100 m au dessus. Je mets vite mes affaires au soleil, monte ma tente et nous buvons le thé. Je vais vite faire un brin de toilette dans la rivière.


Ce soir, Hamid a revêtu sa belle Djellaba mauve. Les blanches sont réservées aux grandes occasions comme les mariages.

19 mai

A 7h30, une mule nous fait retraverser et nous repartons le long de l’Oued Tessaout. Je ne tarde pas à enfiler mes baskets et toute la matinée, j’ai les pieds mouillés traversant régulièrement dans le courant parfois avec l’eau jusqu’à la cuisse nécessitant toute ma vigilance pour ne pas être emporté. Un pic vert surgit de feuillage touffu surpris par notre passage. Nous nous arrêtons manger en contre bas de Megdaz. Avec ces hautes maisons de terre rouge à flanc de colline et son grenier, ce village est souvent considéré comme le plus beau de l’Atlas. Le tizi (col) Awrghiz (2450m) nous fait basculer vers les bergeries d’Adrazan où ils sont occupés à réparer un toit. La descente avec Hamid est instructive. Il me fait sentir de l’armoise (ressemble au thym) et de la sarriette, une merveille dans le thé ! Il me montre également un pigeon biset, à différencier de notre pigeon ramier, plus connu sous nos latitudes. Il associe également un nom au joli oiseau que j’ai déjà aperçu à plusieurs reprises, un peu plus petit qu’un merle noir, aisément reconnaissable au dessus de la tête roux et aux grandes plages alaires blanches : pie-grièche à tête rousse. Un bruant fou fait une si brève apparition que je n’aurais jamais pu le reconnaître. Hamid va jusqu’à me donner la traduction des espèces en anglais !


Au dessus du village de Tagourt (2000 m), un petit col donne accès au plateau de Taoujda où nous installons le camp près des azibs (estives) Taoujda. Le camp est vite envahi de chèvres et enfants curieux qui bêlent et crient alors que j’écris ces lignes.

20 mai

Ce matin à 6h, j’ai besoin de ma frontale. Le ciel est bâché mais, à peine parti, le soleil apparaît et ne nous lâchera encore pas de la journée. Nous montons au milieu de nombreux chênes verts et genévriers oxycèdres (ou genévriers cades). Aujourd’hui, j’ai sorti les jumelles. Je n’ai pas eu le temps de m’en servir pour contempler la perdrix (probablement une perdrix gambra, homologue africaine de la perdrix rouge et de la bartavelle), que nous débusquons de sa cachette dans les buissons des escarpements de la colline. Par contre, j’ai eu tout loisir de guetter les craves à bec rouge à la recherche d’insectes dans les pâturages en contrebas.


Nous franchissons plusieurs cols, dont le tizi-n-Fredoute (2800 m) offrant un beau panorama sur la vaste steppe de Ouarzazate.et son barrage, dans un magnifique écrin aux couleurs chaudes, dominés des contreforts de l’Anghomar que nous gravirons demain.


L’arrêt au bord d’un ruisseau, à midi, est très sympa. Cette plus petite journée nous laisse même la chance de nous allonger un peu le temps d’une courte sieste, étendus sur les matelas au soleil alors qu’Hamid en profite pour faire sa prière sur son tapis soigneusement plié dans son sac.


Nous établissons le camp pour la nuit au bord du magnifique lac glaciaire de Tamada (2550 m), enchâssé entre l’Anghomar au nord et l’Adrar Zarzemt. Un bain intégral dans le lac et aussi un peu de lessive occupe mon début de soirée.


Le soir, Hamid et Guy nous font un cours d’histoire du Maroc. J’apprendrai le lendemain qu’Hamid a fait 2 années de fac à Marrakech en « Histoire et civilisation ».

21 mai

Aujourd’hui, c’est l’ascension du djebel (montagne, sommet) Anghomar (3608 m) en aller-retour. Nous laissons les tentes sécher, les muletiers les démonteront puisqu’ils vont directement au gîte sans faire le sommet. Je ne suis pas trop en forme dans la montée très raide jusqu’au col, sous le sommet. Est-ce l’altitude, la fatigue des derniers jours ou le besoin d’une « pause technique » comme dirait Hamid ? Probablement un mix de tout ! Parti à 7h20, nous sommes au sommet à 9h15 admirant la vue qui s’étend du Zat et le Toubkal d’un côté au M’Goun de l’autre. C’est majestueux ! De retour au lac, nous poursuivons notre périple dans une belle vallée aride et sauvage parsemés d’énormes pierres ocres juchées çà et là autour de moi. Des écureuils de Barbarie se promènent sur les rochers à ma droite. Les romains, il y a plus de 2000 ans, baptisèrent beaucoup de choses qu’ils n’avaient pas chez eux « de barbarie » comme le cheval de barbarie ou le figuier de barbarie. Jusqu’au XIXème siècle, la Barbarie aussi nommé par le néologisme Tamazgha, était la dénomination de l’Afrique du nord, à savoir l’actuel Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye.


Un arrêt pique-nique au bord de la rivière coupe cette longue traversée puis nous nous enfilons à gauche, le long de la rivière, dans la magnifique vallée de l’assif (rivière) Ounila , découvrant les villages et les beaux lauriers-roses. « Atlas Tighza » est le nom du confortable gîte où nous passons un long moment à nous détendre sur la terrasse à discuter au soleil profitant de la vue, avant un traditionnel couscous et une bonne nuit de sommeil.

22 mai

Hamid nous a oublié et quand il vient à 6h15, je suis déjà prêt. En traversant le village de Tichza, Hamid nous montre son école primaire. Suivant les petites gorges de Tighza, le chemin est bordé de cultures, noyers et amandiers. Une courte montée, à droite, permet de rejoindre un plateau désertique agrémenté de genévriers rouges. Dans un cimetière, au bord du chemin, on trouve des tombes avec une pierre pour la tête, dirigé vers la Mecque, et une ou deux pierres pour les pieds suivant s’il s’agit respectivement d’un homme ou d’une femme. Plus loin, des arbres fraîchement plantés marquent la volonté du gouvernement pour un « Maroc vert ». Des collines rouges étincelantes au soleil, nous descendons peu à peu vers un plateau exceptionnellement vert pour la saison tantôt au milieu de grandes herbes parsemés de boutons-d’or et d’argent tantôt sur des chemins de terre tracés le long d’oliviers.


Nous arrivons à Telouet, lieu incontournable jusqu’en 1928, puisque quiconque franchissait le tizi-n-Tichka payait un droit de passage aux seigneurs locaux. D’énormes portes montrent encore l’accès aux caravansérails. Telouet perdit ce privilège en 1953 lorsque le mouvement d’indépendance marocain chassa la pacha el Gaoui, natif de la ville et profrançais.


Nous visitons la casbah du Glaoui, la salle de réception, les belles chambres sans oublier la magnifique porte peinte avec les couleurs naturelles des fleurs. Je m’asseois à la place du pacha, imaginant les fantasias qu’il regardait, lorsqu’un faucon crécerelle vient planer gracieusement devant la fenêtre. Profitant d’un bar dans Telouet, nous nous arrêtons un court moment, le temps de prendre un jus d’orange pressé (10 dhs). En dessous du village de Tazoulte, les muletiers nous servent, à leur habitude, un délicieux repas de lentilles, crudités et melon. Après un moment de repos au soleil, nous nous dirigeons vers le col où quelques gouttes de pluies viennent perturber notre descente vers le camp environ 100 m plus bas sur une belle pelouse en herbe.

23 mai

Il y a du vent ce matin et je supporte bien les sous gants et ma gortex. Je les enlève rapidement alors que nous traversons la route principale Marrakech-Ouarzazate. Nous descendons ensuite dans les gorges d’Afra où j’aperçois encore un faucon crécerelle, un oiseau qui me fascine. Tout d’un coup, Aziz saute sur la droite vers le précipice. La vipère, dangereuse pour les chèvres, ne fait pas long feu sous les coups de bâtons qu’il lui assène violemment! Après encore une bonne matinée de 5h30 de marche, nous nous arrêtons à l’ombre. Alors qu’Hamid et les mueltiers s’affairent immédiatement à nous préparer le repas, je vais prendre un bain dans la rivière et rince même mon pantalon et Tee-shirt qui sont secs le repas terminé. L’après-midi, nous remontons doucement parmi les genévriers thrifères, entre autres, un arbre protégé, épais et noueux, souvent sculptés par le vent en formes extraordinaires. Leurs racines, en partie dénudées, frappent la roche comme des doigts impatients.


Nous plantons le camp au sommet avec une vue magnifique sur le village juste à côté d’une source. Vais-je bien dormir ? Ou là là, j’entends l’orage qui gronde. Vite petite toilette, un thé et au abri dans la tente. Ce soir, c’est tajine d’agneau.

24 mai

La longue traversée du plateau du Yagour révèle un florilège de fleurs toutes plus belles les unes que les autres nourries des rayons du soleil. Maintenant dans le massif du Toubkal, Hamid déroule sa carte pour nous montrer le chemin des prochains jours, notamment le tizi n’Tachedirt (3172 m), un col passant entre l’Oukaïmeden, une des 2 stations de ski du Maroc, et le Bou Iguenouane (3582 m) ainsi que l’Arjoût (3748 m). Au passage, les gravures du néolithique nous arrêtent un instant.


Notre désormais rituelle pause dattes et cacahuètes nous fait du bien aux jambes, un peu lourdes avec l’accumulation des km au fil du raid. J’ai bien cru qu’Hamid me prenait pour un singe le 1er jour où il se retourne en me disant : « On s’arrête manger des cacahuètes ? ». J’ai découvert depuis que dattes et cacahuètes se marient à merveille !


Les plantes aromatiques dispersent autour de moi un bouquet de senteurs extraordinaires que j’inspire souvent à pleine narine. Au bout du plateau, une magnifique cascade tombe sur l’autre versant qui domine 2 villages dans la vallée où, au fil des siècles, les paysans berbères ont aménagé en terrasse les pentes abruptes et irrigué les cultures à l’aide d’un ingénieux système de petits canaux (targa) captant l’eau des ruisseaux et des rivières. Je mitraille le retour du troupeau de chèvres qui assure une ambiance typique des régions du Haut Atlas.


Après une pause déjeuner et baignade dans un village au début de la vallée d’Orika, nous retrouvons peu à peu la civilisation, passant la bourgade de Setti Fatma (1400m) puis le village d’Agdim. Une petite portion de chemin, au bout de la route en cul de sac, nous mène rapidement au camp de ce soir. Des hommes, assis devant une minuscule boutique, nous offrent le thé.

25 mai

Super journée. D’abord, on longe la vallée des singes à flanc de montagne car il y a trop d’eau pour passer en bas. Alors que je dégaine mes jumelles, j’entends Hamid me dire « traquet, noir avec du blanc sur la tête, comme ça ». C’est exactement ça un traquet à tête blanche. Quel plaisir d’avoir un connaisseur. Sûr que son projet de monter des treks à thème faune et flore va marcher. Il a le niveau en tout cas !


Après avoir traversé la rivière, nous attaquons une montée sèche. Chemin menant, nous débouchons dans un village où Hamid est accueilli à bras ouverts. Ce sont de très bons muletiers avec qui il travaille régulièrement. Ils nous invitent à boire le thé. L’ambiance est assurée ! J’enlève mes chaussures et prend place sur le tapis, par terre, adossé contre un des nombreux coussins. Le portrait de Mohammed VI trône fièrement au dessus de nos têtes comme dans la plupart des salons que j’ai fréquentés. Notre hôte nous sert le thé sur un de ces plateaux typique, en argent, surélevé par 4 petits pieds. Il verse le thé, toujours en levant très haut la théière, puis reverse le contenu du verre dans la théière plusieurs fois. Il amène ensuite 2 gros pains rond et assez plats, cuits dans l’un de ces fours à pains en terre à l’extérieur des maisons. Un bol d’huile d’olive et un bol de beurre de vache accompagnent le pain qu’il déchire et nous distribue. Le thé est bien trop sucré pour moi, je n’en boirais que la moitié, par contre, le pain est délicieux et n’a rien à envier à nos meilleures boulangeries françaises. Je goûte quand même l’huile d’olive et le beurre, un peu salé, alors que eux piochent dedans sans hésiter.


Nous reprenons le chemin le long d’un torrent mais la pluie nous tombe dessus. Du coup, on ne s’arrête pas manger. Je monte, bercé par le bruit de l’eau se frayant un chemin dans le relief de la montagne. J’adore ça ! Au col Tizi n’Tacherdirt (3172 m), j’aperçois un bruant fou puis je descends rejoindre une route puis enfin le bivouac quelques km plus loin. Encore une belle étape, parti à 8h, on arrive à 16h et je commence à avoir un peu faim en écrivant ces lignes dans ma tente à 16h45. Nos muletiers sont aux fourneaux et un festin nous attend, je n’en doute pas !

26 mai

Il a beaucoup plu cette nuit et il pleut encore lorsque je démonte ma tente avant le petit déjeuner. Les muletiers ont abandonné la tente mess, tombée 3 fois à cause du vent la veille. Nous prenons donc notre petit déjeuner dans cet abri de berger qui leur a servi de chambre. Le mauvais temps tombe plutôt bien, aujourd’hui est une petite étape pour rejoindre Imlil et son gîte grand luxe. Un pinson des arbres se cache au bord de la route goudronnée que nous suivons, le chemin « touristique » étant trop humide.


En arrivant au gîte d’AÏt Souka, tenu par Ahmed Aït Hammou, guide qui travaille avec Alibert depuis de nombreuses années, un thé chaud, non sucré à notre demande, nous est servi dans le beau salon. L’après-midi, dans Imlil à 15 min plus bas, je regarde un moment le maréchal-ferrant ferrer un cheval à froid, prend la gendarmerie et le refuge du CAF en photo, envoi mon 1er e-mail (2dhs le 1/4h) dans une minuscule pièce délabrée où je suis tout seul avec un jeune qui garde l’endroit, négocie 2 piles pour ma montre (10 dhs), essaie un chèche (foulard) et un gilet à capuche pointue et me laisse enfin tenter par un beau tapis aux motifs berbère. Je vais ensuite passer un moment sur la terrasse d’un bar où je lis (La Grande Crevasse de Frison Roche) et discute avec les locaux buvant leur thé, agglutinés devant la télé, très appréciée au Maroc.


Remontant la rue principale, je croise Aziz, Sahid et Mohammed nos muletiers que je salue chaleureusement.

27 mai

Des rafales ont ébranlées le gîte toute la nuit et auraient très certainement emporté nos tentes si nous avions été dehors et elles continuent ce matin menaçant les fenêtres de gîte. La pluie, aidée par le vent pernicieux, s’est infiltrée légèrement à l’intérieur, dans l’entrée. Nous ne pouvons pas partir, les torrents ont gonflés et les mules ne pourront pas passer. Hamid n’a jamais vu un tel temps en cette période de la saison.


A midi, Marjorie et Guy ne sont pas motivés pour sortir. J’étudie les différentes possibilités avec Hamid, très volontaire. Celui-ci accepte de tenter le coup et de partir à l’aventure en direction, d’abord, du Marabout, puis éventuellement du refuge si le temps le permet. Sans mules et muletiers, nous devrons être autonomes pour ces 2 jours, je pars donc préparer mon sac, emportant mon sac de couchage et quelques affaires sèches. Hamid saluera plus tard ma volonté de m’extraire de ce gîte confortable sous la pluie alors que mes compagnons restent là.


Nous ne tardons pas à faire face à notre première difficulté. Le torrent est large, nous cherchons désespérément un endroit où le franchir. Finalement, nous nous décidons, je balance mes bâtons, mon sac et prends mon envol du mieux possible, mes appuis manquant de souplesse dans mes grosses chaussures de montagne. C’est tout juste, j’atterris dans quelques centimètres d’eau en me cognant le tibia mais je suis passé. Nous continuons et arrivons au village de Sidi Chamarouch où se trouve le Marabout censé soigner les gens, notamment ceux que nous avons dépassés, en sandales, avec un baluchon sur l’épaule ! Ce 1er objectif atteint, encore des hésitations et je décide de continuer. Finalement, nous atteignons, sans même être mouillés, le refuge du CAF terminant une montée très agréable malgré la menace continue du ciel. Dans ce cirque, au pied d’une pente pleine de neige, l’eau ruisselle à flot. Nous entendons soudain des cris de détresse, haut dans la montagne. Armés d’un brancard et d’une trousse de secours, Hamid et d’autres guides se précipitent. Là haut, un gars est coincé par une pierre tombée sur son pied, au bord du vide et retenue par son compagnon. Il s’en sort finalement indemne et, au dîner, je partage avec lui et ses compagnons espagnols une tajine avant d’aller me coucher de bonne heure.

28 mai

Nous avions fixé un réveil à 5h mais en regardant par la fenêtre, je comprends pourquoi Hamid ne vient pas me chercher. De lourdes bourrasques frappent toujours les murs laissant deviner leurs puissances. Le petit espoir que je gardais de pouvoir tenter le sommet s’envole un peu plus mais à 6h, Hamid vient chuchoter dans la pièce « Yann ». « J’arrive » lui répondis-je aussitôt, rassemblant aussitôt mes affaires à la lueur de ma frontale.


Durant la nuit, Hamid a fait connaissance avec un muletier qui guide un canadien qui marche bien, lui aussi, d’après leurs termes, et nous partons ensemble à 7h. Les rafales de vent ne tardent pas à nous désarçonner. Je suis obligé de me mettre dos au vent, accroupi dans la neige, pour ne pas prendre en plein figure cette neige glacée, soulevée par le vent des pentes abruptes, qui vient me fouetter si fort les jambes lorsque je suis debout que je m’attends à être criblé de bleus. Je vois les oiseaux qui, comme nous, sont victimes de ces brusques changements de temps et sont traînés sur le sol comme de vulgaires objets, incapables de voler. Puis c’est le retour au silence et nous en profitons pour avancer, le plus rapidement possible, mais j’ai l’impression de tituber, fatigué par ces efforts en dents de scie. Après le col, en contrebas de la crête menant au sommet, je fais attention, essaie de me concentrer, malgré la fatigue et le vent, sur cette portion plus délicate où une chute m’entraînerait dans une glissade interminable.


Nous arrivons finalement au sommet à 9h15, en 2h15, pas si mal étant donné les conditions ! La vue imprenable se dégage à 360° et nous dévoile les 3 autres 4000 environnants. Nous restons un moment puis dévalons la pente en chantant, heureux comme des gamins dans cette neige fraîche et si facile à la descente. Une petite pause au refuge, descente de la belle vallée, le soleil étincelant maintenant dans les eaux du torrent, bleutées par la neige fondante, croisant de nombreux groupes décidés par un temps plus clément que la veille, et nous atteignons enfin le gîte à 12h45. Hamid m’avoue aussi qu’il n’était théoriquement pas tenu de m’accompagner pour l’ascension, la majorité du groupe ayant renoncé mais il essaie toujours, dans la mesure du possible, de satisfaire le client. C’est réussi !


L’après-midi, les muletiers chargent péniblement leur mule sur la plateforme arrière d’une camionnette en les serrant et les attachant pour ne pas qu’elles bougent pendant le transport. De retour à Marrakech, je me détends un peu et vais faire quelques brasses dans la piscine de l’hôtel. Le soir, Marjorie m’offre une orange pressé sur la place Jemaa el Fnaa avant de retrouver Hamid que nous avons invité au Riad Omar, un restaurant qu’il nous conseille. Le menu de 180 Dh, salade marocaine, tajine de poisson, énorme plateaux de fruits frais, thé est un régal faisant largement honneur à la réputation de l’endroit.

29 mai

Après un déjeuner apprécié, paisible au bord de la piscine en compagnie des tourterelles et bulbuls des jardins, toujours aussi voleurs, je rejoins Hamid à la réception à 7h45. A l’aéroport, je le remercie chaleureusement pour ce raid, qui me laissera un très bon souvenir.

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